Pour en finir avec les pesticides: le plaidoyer qui secoue !

Je vous propose de relayer aujourd’hui un article de Jacques Sultan qui met en avant un cri d’alarme profond et manifeste contre les pesticides. Ce plaidoyer sans commune mesure et sans concession révèle les incohérences profondes de notre système agro-alimentaire, ses lobbies, ses géants aux poches toujours en quête de plus de profits et le grand bluff du monde paysan.

Jacques SultanQui est Jacques Sultan ?

Charles Sultan est professeur et vice-doyen de la Faculté de médecine de Montpellier, et chef du service d’hormonologie au CHU de Montpellier. Il est spécialiste des effets des pesticides sur le corps humain, des perturbateurs endocriniens et en hormonologie pédiatrique.

Il été chercheur postdoctoral à la prestigieuse John Hopkins School of Medicine, lauréat de plusieurs prix internationaux pour ses recherches dont le prix Andrea Prader, le plus prestigieux prix en endocrinologie pédiatrique.

Il a exercé des responsabilités dans des associations françaises et européennes d’endocrinologie, d’andrologie, de gynécologie, à l’INSERM, et a été auditionné par le Sénat sur les risques chimiques au quotidien.

VOICI LE TEXTE:

Le cri d’alarme de Charles Sultan : « Pour en finir avec les pesticides »

Inlassable dénonciateur des effets désastreux de ces produits chimiques sur la santé humaine, leur impact sur les enfants à naître et la nature, le professeur en endocrinologie Charles Sultan signe une longue tribune pour en finir avec les pesticides. « Une urgence », estime le Montpelliérain.

Depuis quelques années, la pollution de l’homme et de l’écosystème par les pesticides est apparue comme un véritable défi lancé à notre société. Ce problème écologique de premier plan s’est imposé comme un sujet de politique majeur.

Scandale sanitaire, économique, social, éthique et juridique

Les pesticides, comme les autres perturbateurs endocriniens environnementaux (PEE), sont des substances chimiques, produites par l’homme, capables d’interférer avec tous les systèmes endocriniens. Impliqués initialement dans le développement des anomalies des organes génitaux externes chez le nouveau-né masculin, dont la mère a été contaminée pendant sa grossesse, et dans la réduction ultérieure de la spermatogénèse chez l’homme, leur spectre d’expression clinique s’est élargi à l’ensemble des fonctions physiologiques.

Véritable scandale sanitaire, économique, social, éthique et juridique, la pollution par les pesticides impacte le développement des enfants, contribue à l’explosion des maladies chroniques et représente une singulière préoccupation pour les générations futures.

Les précédents auraient dû alerter

Et pourtant l’exemple de la contamination délibérée par l’Agent Orange au Vietnam, un puissant pesticide, comme celui du scandale du Distilbène, un xenoestrogène, « médicament » prescrit à des milliers de femmes enceintes, aurait dû alerter les médecins, autant que les citoyens, et les responsables politiques, sur l’impact des pesticides sur la santé de l’homme et sur l’avenir de nos enfants.

En effet, dans les années qui suivirent l’épandage aérien de l’Agent Orange (dioxine), lors de la guerre américano-vietnamienne, des malformations multiples et des cancers ont été observés chez de milliers d’enfants. De plus, cet impact persiste pendant plusieurs générations.

La prescription inconsidérée du distilbène (DES), un xenoestrogène, a des millions de femmes enceintes dans le but de maintenir une grossesse à risque, a généré de nombreuses malformations des organes génitaux internes et externes chez les descendants, un risque élevé de cancer du vagin chez des adolescentes de mères DES, et plusieurs autres anomalies du développement somatique ou psychique. La transmission trans-générationnelle de cette contamination fœtale, bien analysée chez l’animal, commence à être documentée chez l’homme et soulève parmi des experts de la santé environnementale une interrogation tout à fait légitime pour l’avenir des générations futures.

Malgré l’existence de ces deux scandales sanitaires historiques, véritables « modèles cliniques expérimentaux » de la contamination de l’homme par les pesticides / PEE, nous n’avons pas eu la pertinence de tirer les leçons qui s’imposaient…

Nous n’avons pas eu la pertinence de tirer les leçons qui s’imposaient

Selon de nombreux scientifiques, experts, écologistes et de l’avis même de plusieurs agences internationales, nous sommes actuellement confrontés à un véritable cataclysme planétaire : le réchauffement climatique ne cesse d’être confirmé ; la déforestation, sujet de controverses politiques, devient une réalité avec l’exemple de l’Amazonie ; la réduction des espaces de vie, la surexploitation des ressources naturelles, l’effondrement de la biodiversité, la pollution des sols (parfois pour les siècles à venir, comme aux Antilles avec le chlordécone), sont autant de facteurs contributifs à ce désastre programmé.

Se surajoute la contamination de l’air, de l’eau et de la chaîne alimentaire par les perturbateurs endocriniens, et notamment par les pesticides utilisés par les agriculteurs surtout, mais également par certaines entreprises comme la SNCF, pour le désherbage de rails, et par les citoyens à de fin domestiques. Il est ainsi affligeant d’observer que dans un rapport récent, la France, avec 72,000 tonnes, se situe en deuxième position européenne dans la production de pesticides. Il est non moins révoltant de rappeler que les accords de Grenelle sur l’environnement avaient acté une réduction de 50% de la production de pesticides en 2018 : elle a été marquée par une augmentation de 9% du tonnage !

Au lieu de baisser les tonnages de pesticides augmentent

Évoquer un cataclysme planétaire n’a rien d’excessif, et devant la disparition lente et progressive de l’écosystème mondial, certains évoquent un crime contre l’avenir avec le risque, pour les générations futures, d’être confrontés à un monde qui ne deviendrait plus viable, plus vivable. À ce titre, le rapport de la Nasa publié l’an dernier, prédit la fin de notre civilisation pour le siècle à venir.

Bergson proposait de penser en homme d’action et d’agir en homme de pensée. Voilà pourquoi ces informations préliminaires ne devraient pas être reçues comme un message anxiogène, mais plutôt concourir à une meilleure information sur le désastre environnemental actuel. Elles nous semblent indispensables pour engager une action individuelle et collective, un sursaut citoyen est encore possible !

L’inquiétude grandissante des médecins, des chercheurs, des citoyens tient d’abord au vaste terrain d’action de pesticides : initialement décrits comme de produits chimiques susceptibles de perturber l’équilibre androgène / estrogène, ces polluants apparaissent altérer la fonction thyroïdienne (notamment pendant la vie fœtale), l’équilibre métabolique, immunologique, dans l’activité du microbiote et, last but not the least, dans les phénomènes de croissance et de différenciation cellulaire, impliqués dans le développement de cancers.

Dans le sang du cordon du nouveau-né près de 250 polluants

Ils échappent de plus aux principes de toxicologie classique ou la dose fait le poison, ils peuvent présenter une action synergique et amplificatrice (effet cocktail) et s’accumuler dans le tissue adipeux pendant des années pour certains entre eux. Ces milliers de substances chimiques vont impacter en priorité le fœtus, période de forte vulnérabilité, car la barrière placentaire apparaît totalement inefficace.

Cette contamination lente, insidieuse, invisible, est déjà présente dès la vie fœtale : un travail américain publié il y a plusieurs es années rapportait que dans le sang du cordon du nouveau-né près de 250 polluants chimiques étaient identifiés, représentés pour moitié par des pesticides. Elle va se poursuivre et se renforcer pendant l’enfance, adolescence et l’âge adulte, et constituer « l’exposome », véritable carte d’identité du sujet contaminé. Cette agression fœtale sera de plus à l’origine de nombreuses pathologies à l’âge adulte.

Nous savons actuellement que la diffusion des pesticides dans toutes les cellules de l’organisme se traduit par un spectre de conséquences cliniques qui ne cesse de s’élargir et impacte l’ensemble des tissues et des organes. C’est ainsi qu’après les malformations génitales du nouveau-né masculin et la réduction de la fertilité chez l’homme adulte, initialement rapportée il y a près de 20 ans, sont apparus les désordres métaboliques (comme l’obésité et le diabète), les troubles du développement psychomoteur, les désordres du spectre autistique, les avancées de l’âge d’entrée en puberté chez la fille, la réduction e la fertilité chez la femme comme chez l’homme, les maladies inflammatoires, auto-immunes, les maladies neurodégénératives, digestives, hépatiques, cardio-vasculaire, et enfin, les lymphomes et les cancers hormono-dépendants, en particulier.

Ne devrait-on songer à rediscuter du principe de pollueur – payeur ?

L’omniprésence des pesticides contribue à la gravité de la situation : au-delà de la pollution de la chaîne alimentaire, de l’air, l’environnement professionnel, habitationnel, les activités de la vie quotidienne, les loisirs, participent à de dégrées divers à cette véritable « septicémie à pesticides ».

Cette situation est aggravée par le développement et la mise sur le marché de nouveaux pesticides : l’exemple du SDHi est à ce titre singulièrement éloquent. Alors même que l’ANSES a émis un avis favorable sur l’utilisation de ce pesticide, un groupe de chercheurs qualifiés s’est désolidarisé de cette décision et demande l’application du principe de précaution, inscrit dans la Constitution.

La contamination par les pesticides est également à l’origine d’un véritable scandale économique. En Europe, leur impact sanitaire sur le PNB se chiffre en million d’euros et l’épidémie de maladies chroniques, qui en découle, risque d’entraîner rapidement un dépassement de notre système de protection sociale. Ne devrait-on songer à rediscuter du principe de pollueur – payeur ?

Eu égard à cette pollution chimique et dans le contexte du réchauffement climatique, notre biodiversité est en péril, à travers la réduction des espèces de mammifères (moins 30%) et des insectes (moins 80%). L’exemple de la disparition progressive des abeilles est malheureusement caricatural.

L’attitude funeste de l’homme à l’égard de la nature

Face à ce scandale social, la sauvegarde d’un environnement non pollué, celle d’un environnement naturel, et celle d’un environnement diversifié apparaissent comme des priorités dans l’immédiat. L’environnement représente en effet, un défi de taille pour l’homme, à cause d’une représentation erronée de l’environnement, d’un pouvoir de destruction immense, d’une attitude funeste à l’égard de la nature.

Se surajoute un scandale éthique, marqué par une insoutenable légèreté de l’industrie chimique, des politiques, des certaines agences et même de citoyens, souvent par défaut d’information.

Alors que la Charte de l’Environnement imposait à chaque homme le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, que l’OMS précise que l’environnement représente l’un des déterminants de notre santé, rares sont ceux qui ont été sensibilisés aux alertes de Hans Jonas, qui annonçait, il y a près de 50 ans, que l’absence de préservation de notre environnement constituait un crime à l’encontre des générations à venir. Ajoutons qu’en France, la garantie des droits des enfants impose une observance rigoureuse de la protection du fœtus. Si l’on ajoute le risque d’une transmission transgénérationnelle des conséquences des pesticides, on mesure à sa juste valeur l’urgence d’une réflexion éthique que devrait susciter la pollution par les pesticides et autres perturbateurs endocriniens. Nous sommes redevables pour les générations futures du désastre à venir.

Ce lobby de pesticides, à coups de millions d’euros, a réussi à développer une véritable école du mensonge

Enfin, l’évaluation de cette pollution se heurte à un système juridique, confronté à l’incapacité d’établir un lien de causalité, un lien entre exposition et effet. Repenser les voies classiques d’action en responsabilité devient, pour les experts, une priorité.

Face à cette situation, la stratégie de communication de l’industrie des pesticides reste inchangée. Ses dirigeants continuent d’ignorer / de minimiser les dangers pour l’homme et la nature. Véritables marchands de doute, ils n’hésitent pas à financer de pseudo-travaux scientifiques afin de créer une fausse impression de controverse ! Ce lobby de pesticides, à coups de millions d’euros, a réussi à développer une véritable école du mensonge : ils osent garantir l’innocuité des produits chimiques, utilisent l’argument éhonté d’une réduction de la production agricole en cas de limitation de l’utilisation de pesticides, ils continuent d’évoquer un chantage à l’emploi, une absence d’alternative aux pesticides. Et pourtant, l’agriculture raisonnée, ou biologique, n’a pas altéré la production agricole ni l’équilibre budgétaire de certains pays, comme le Danemark, qui ont eu l’intelligence de privilégier la protection l’environnement et la santé des citoyens.

Remontés notamment contre le projet gouvernemental de mise en place de zones de non-traitement, destinées à protéger les riverains contre les dangers des pesticides, les agriculteurs français ont récemment allumé des « feux de la colère » un peu partout en France… En fait, le gouvernement propose une distance minimale d’épandage des pesticides de 5 à 15 mètres : pur contre sens ou décision démagogique du politique pour calmer la légitime inquiétude de la population… Pur contresens, contredit par les travaux scientifiques dont le plus emblématique est celui qui rapporte que l’ours blanc d’Alaska est contaminé par des pesticides utilisés dans le Middle-West américain, et qui se répandent sur l’Alaska, en fonction des certains courants aériens…

Choix démagogique = la contamination par les pesticides ne se limite pas à la pollution atmosphérique, elle relève aussi, et tout autant, de l’ingestion de l’eau et des aliments…et recouvre des centaines / milliers de produits chimiques. Cette réaction du monde agricole est pour le moins paradoxale… De plus en plus de vies sont brisées par les pesticides en priorité chez les agriculteurs, dont le risque de développer une maladie de Parkinson est 6 fois plus élevé, celui des hémopathies malignes en augmentation régulière.

La pollution risque de saper les fondements de notre civilisation, de réduire notre espèce

La pollution risque de saper les fondements de notre civilisation, de réduire notre espèce. À ce propos, Edouard Philippe rappelait récemment « c’est une société entière qui s’effondre littéralement… ». Paradoxalement, la volonté politique des gouvernements d’agir en faveur de l’écologie ne se traduit pas encore par des mesures fortes. Nicolas Hulot, en écologiste convaincu, clamait pour sa part qu’il fallait « en finir avec la politique de petits pas ».

En attendant un engagement individuel et collectif s’impose. Ne pas se résigner, favoriser une alternative écologique, développer des substituts aux pesticides.

En conclusion, les données cliniques, épidémiologiques, expérimentales sont suffisamment solides pour imposer une prise de conscience urgente de la gravité des conséquences de la pollution environnementale dans la population. Les autorités politiques doivent en tirer les conclusions qui s’imposent et privilégier une hygiène chimique, si nous voulons protéger l’avenir de nos enfants et celui des générations futures.

Il est urgent d’envisager un retrait des pesticides

Pour notre part, nous considérons, avec encore plus de conviction qu’il y a 10 ans, lors de l’Appel de Montpellier avec le Député G. Bapt, qu’il est urgent d’envisager un retrait des pesticides, assassins de la biodiversité, tueurs d’abeilles et mutagènes, reprotoxiques, neurotoxiques, obésogènes, diabétogènes et cancérigènes potentiels chez l’homme, dont l’utilisation régulière et en augmentation constante fait offense au principe de précaution, inscrit dans la Constitution.

Dans son discours au Senat contre L. Catilina, Cicéron pose cette question historique : « Jusqu’à quand Catilina, abuseras-tu de notre confiance ? ». On est tenté, en matière de pollution chimique, d’adresser la même interrogation à nos dirigeants politiques pour obtenir des décisions concrètes et urgentes, pour faire face au scandale sanitaire, économique, social, éthique et juridique que nous traversons depuis trop longtemps déjà !

…….

Ma touche personnelle :
Et pendant ce temps là, les agriculteurs manifestent contre l’agri-bashing ! Un véritable comble lorsque l’on sait que « la plupart » (pas tous heureusement!) des paysans polluent le sol et empoisonnent les gens tout au long de l’année ! On vit vraiment une drôle d’époque !

1 réflexion au sujet de « Pour en finir avec les pesticides: le plaidoyer qui secoue ! »

  1. Nous devrions ériger une statue pour louer cet homme là. Que de vérités et de bon sens. Si les empoisonneurs pouvaient avoir cette conscience et cet altruisme…

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